Une réforme importante a été introduite par le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025, qui modifie deux aspects essentiels de la justice civile : la manière de préparer un procès (la phase d’instruction) et les possibilités de résoudre les différends à l’amiable.
Concrètement, si vous êtes partie à un litige, ou si vous envisagez d’en porter un devant le tribunal, ces nouvelles règles vous concernent directement. Vous avez désormais un rôle plus actif à jouer, aux côtés de votre avocat. Ce décret vous offre de nouveaux leviers pour mieux maîtriser votre dossier, mais aussi de nouvelles responsabilités. Voici nos explications complètes sur ce qui vous attend.
L’essentiel en un coup d’œil :
🡺 L'instruction conventionnelle vous permet d'organiser la préparation de votre dossier avec votre adversaire, selon les délais que vous définissez.
🡺 Les règles applicables à la médiation, la conciliation et la procédure participative sont plus accessibles et plus incitatives qu'auparavant, afin d’encourager et faciliter le recours aux procédures amiables.
Les parties disposent d’un nouveau moyen pour organiser elles-mêmes l'instruction de leur affaire, dans un cadre conventionnel.
L’instruction est la phase durant laquelle un dossier est préparé avant d’être jugé. Les parties formulent leurs demandes, échangent leurs arguments, déposent leurs pièces. C’est à ce moment que se construit le cadre du litige.
Jusqu’à présent, le principe applicable était l’instruction judiciaire : c’est alors le juge qui gère cette phase. Il fixe les délais, organise les échanges, contrôle la régularité des débats. Son inconvénient est qu’elle peut allonger les délais et alourdir la procédure.
L’instruction conventionnelle est désormais la règle, tandis que l’instruction judiciaire devient l’exception. Cela signifie que vous pouvez, avec votre avocat et celui de la partie adverse, organiser vous-même la phase préparatoire du procès, sans intervention du juge, sauf en cas de difficulté.
Vous passez un accord avec l’autre partie, qui peut notamment porter sur :
Le recours à l’instruction conventionnelle donne droit à un audiencement prioritaire une fois le dossier finalisé, c’est-à-dire une date d’audience plus rapide.
Le décret crée l’instruction conventionnelle simplifiée : elle se distingue de la procédure participative aux fins de mise en état, qui existait déjà avant la réforme.
Elle permet aux parties, avec l’assistance de leurs avocats, de convenir par écrit de l’organisation de l’instruction du litige. Ici, les parties doivent signer un contrat écrit, dont le contenu est encadré par la loi.
Elle consacre une possibilité généralisée pour les avocats des parties de convenir des modalités d’instruction du litige, sans devoir respecter le formalisme de la convention participative.
Dans le cadre de la convention simplifiée ou de la procédure participative, les parties peuvent désigner ensemble un technicien pour réaliser une expertise. Il n’est donc pas nécessaire de recourir au juge pour obtenir cette nomination. Elles définissent alors sa mission et sa rémunération. Si un désaccord survient (sur le choix de l’expert ou sur son rôle), le juge peut être saisi pour trancher.
Parallèlement à la réforme de l'instruction, le décret restructure et valorise les modes de résolution amiable des différends. Ces mécanismes constituent une réelle alternative au contentieux traditionnel.
Les MARD permettent de régler un litige sans qu’un juge ait besoin de trancher. On peut y recourir avant même de saisir un tribunal, pour éviter d’aller en justice, mais aussi pendant une procédure judiciaire, pour y mettre fin grâce à un accord.
Jusqu’à présent, les règles applicables à ces dispositifs étaient dispersées dans plusieurs textes. La réforme les regroupe dans un cadre juridique plus lisible, au sein du Code de procédure civile.
Dans tous les cas, le recours à une solution amiable nécessite l’accord des parties. Selon votre situation, vous pouvez bénéficier de :
Elle est menée par le juge ou par un conciliateur, qui écoute les différents points de vue afin de proposer un compromis acceptable. Le conciliateur est un bénévole, et son intervention est gratuite.
La conciliation est ouverte uniquement en matière civile, par exemple pour les litiges de consommation, les troubles de voisinage, les conflits entre bailleurs et locataires, les litiges entre commerçants ou encore en matière prud’homale. Il existe aussi une procédure spécifique de conciliation pour les entreprises en difficulté, afin de les aider à trouver un accord de paiement avec leurs créanciers.
C’est une démarche plus formelle et payante, conduite par un médiateur professionnel, qui aide les parties à communiquer efficacement pour trouver une solution. La médiation peut être adaptée à des conflits complexes. Elle est ouverte en matière civile et commerciale et pour les litiges de consommation, mais vous pouvez aussi contacter un professionnel pour une médiation familiale, pénale ou publique (litige avec l'administration).
Ce n’est pas un tiers qui vous aide à trouver un accord : il s’agit d’une négociation encadrée par des avocats, sur la base d’un contrat signé par les parties, qui les engage à tenter de régler le litige à l’amiable.
Les règles relatives à l’amiable ne sont pas seulement regroupées, elles sont aussi modifiées pour favoriser et étendre leur application. Voici les principaux changements :
À n’importe quel moment de la procédure, tout juge peut délivrer aux parties une injonction de rencontrer un médiateur ou un conciliateur de justice. L’objectif est de permettre aux parties de s’informer sur les procédures à leur disposition et leurs avantages. Les justiciables doivent être présents au rendez-vous, mais ensuite, ils restent libres de s’engager dans une voie amiable ou non.
Si une partie refuse sans motif légitime de participer à une première rencontre avec un médiateur ou un conciliateur, elle risque une amende civile pouvant atteindre 10 000 euros.
Auparavant, la possibilité pour le juge de désigner un conciliateur était restreinte à certains cas, en particulier les dossiers à faible montant. La conciliation judiciaire devient accessible aussi bien devant le tribunal judiciaire que le juge des référés, pour tous les litiges. Cette option supplémentaire peut être particulièrement intéressante d’un point de vue économique, puisque le conciliateur est un tiers bénévole.
La réforme donne à tout juge civil (sauf le conseil des prud’hommes) la faculté d’organiser une audience de règlement amiable (ARA), à tout stade de la procédure. Le juge sollicite l’avis des parties, mais il peut ordonner l’audience même sans leur accord préalable.
L’ARA, distincte d’une audience classique, est conduite par un autre magistrat que celui chargé de juger l’affaire. Ce juge a pour mission de favoriser la confrontation équilibrée des points de vue et des intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables, afin de parvenir à la résolution du litige.
Ce décret marque une évolution de la culture judiciaire, avec un nouvel esprit plus collaboratif entre le juge, les parties et leurs avocats. Le rôle du juge a d’ailleurs été redéfini, dans le but de mettre en avant le choix entre la voie amiable et la voie judiciaire :
« Il entre dans la mission du juge de concilier les parties et de déterminer avec elles le mode de résolution du litige le plus adapté. Les parties peuvent à tout moment convenir de résoudre à l’amiable tout ou partie du litige ».
De ce fait, on attend désormais des parties qu’elles coopèrent activement à la résolution de leur litige.
Ce que cela implique pour vous :
Votre avocat reste un acteur central de la procédure, non seulement pour vous défendre, mais aussi pour orienter la stratégie du dossier.
Le décret entre en vigueur le 1ᵉʳ septembre 2025. Les nouveautés relatives aux modes amiables (MARD) s’appliqueront aux affaires déjà en cours à cette date.
En revanche, les dispositions relatives à l’instruction conventionnelle ne s’appliqueront qu’aux procédures débutées ultérieurement.
Le recours à l’amiable est possible à toutes les étapes d’un conflit, et vous pouvez choisir la procédure la plus adaptée à vos besoins.
Vous pouvez tenter de résoudre un différend sans passer par la justice. Trois solutions sont envisageables :
Ces démarches permettent de rechercher un accord amiable en dehors de tout cadre judiciaire.
À noter : depuis le 1ᵉʳ octobre 2023, vous devez obligatoirement recourir à un mode de résolution amiable (conciliation, médiation ou tentative de procédure participative) avant de saisir le tribunal judiciaire pour un contentieux portant sur le paiement d’une somme inférieure ou égale à 5 000 €, et pour certains types de litiges listés par la loi.
Même si une procédure judiciaire est engagée, il reste possible d’explorer une solution amiable :
À noter : quelle que soit la voie choisie, si vous parvenez à un accord, celui-ci peut obtenir la même force qu’un jugement. Pour cela, il peut soit être homologué par le juge, soit bénéficier de l’apposition de la formule exécutoire par le greffe du tribunal.
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Le cabinet Saint-Louis Avocats a développé une expertise pointue en matière de contentieux des affaires et de procédures collectives. Grâce à notre connaissance du monde judiciaire et des procédures civiles, nous accompagnons quotidiennement nos clients à toutes les étapes d’un litige et nous les conseillons sur les stratégies de résolution amiable.
Si vous vous interrogez sur l'application de ces nouvelles règles à votre situation ou souhaitez échanger sur la stratégie la plus adaptée à votre litige, n'hésitez pas à nous contacter.