La nouvelle possibilité offerte au dirigeant de présenter une offre de reprise des actifs de l'entreprise qu'il dirige

Edouard Tricaud
Avocat Associé
- Publié le
28/8/2020

Dans le cadre de l’acquisition d’une entreprise in bonis, le pollicitant achète celle-ci avec son passif (dettes fiscales et sociales, créances, emprunts...) et son actif.

En matière de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, la règle est différente dès lors que le repreneur peut présenter une offre de reprise des seuls actifs, c’est à dire uniquement les moyens de production, le fonds de commerce, le matériel, les murs et les stocks.

Le repreneur ne reprendra pas le passif de l’entreprise défaillante (sauf rares exceptions – par exemple le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien transmis au cessionnaire).

Ainsi, la mise en place d’un plan de cession d’une entreprise en cessation des paiements a pour but (i) d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, (ii) de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et (iii) d'apurer le passif.

Concernant l’identité du repreneur, il existe une interdiction de principe prévue à l’article L 642-3 du Code de commerce qui empêche, pour une durée de 5 ans, le dirigeant de droit ou de fait de l’entreprise en procédure collective de présenter une offre de reprise.

A cette règle, il existait néanmoins une exception, très rarement appliquée dans les faits, permettant au dirigeant de formuler une offre de reprise, sur requête du ministère public et par un jugement du Tribunal « spécialement motivé ».

Désormais, afin de préserver l’emploi et faire face à la crise sanitaire inédite actuellement en cours, le Gouvernement a décidé temporairement de moduler l’interdiction posée par l’article L 642-3 du Code de commerce en autorisant, sous conditions, la cession de tout ou partie des actifs d’une entreprise en difficulté au dirigeant, après une demande formulée par requête par ce dernier ou par l’administrateur judiciaire.

Cette faculté est expressément prévue à l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l'épidémie de covid-19 et le champ d’application temporel de cette dérogation s’étend en l’état du 20 mai 2020 au 31 décembre 2020.

Cette nouvelle entorse au Code de commerce se justifie, selon le rapport du Président de la République relatif à l’ordonnance précitée, par « les difficultés économiques actuelles que connaissent les entreprises qui justifient que la cession des entreprises en difficulté soit facilitée, dès lors qu'elles sont viables et si le débiteur n'est pas en mesure d'assurer lui-même la poursuite de l'activité dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement ».

En effet, en raison d’un fort intuitu personae, le dirigeant de l’entreprise défaillante est bien souvent la personne la mieux disposée pour assurer la pérennité de l’entreprise et préserver l’emploi attaché à celle-ci et l’ordonnance du 20 mai 2020 lui accorde ainsi une seconde chance.

Cependant, le Tribunal demandera naturellement au dirigeant des garanties quant à la poursuite de l’activité et au maintien des emplois, et le rapport du Président de la République ne manque pas de préciser que « le tribunal et le ministère public veilleront à ce que le plan de cession ne soit pas seulement l’occasion, pour le débiteur, d’effacer ses dettes et de réduire ses effectifs en présentant lui-même, ou par personne interposée, une offre de reprise ».

Enfin, l’examen de la requête du dirigeant ou de l’administrateur judiciaire par le ministère public est naturellement maintenu au cours de l’audience d’examen des offres de reprise.

Récemment, un jugement du Tribunal de commerce de Montpellier rendu le 19 juin 2020 a fait application de cette nouvelle règle dans le cadre du redressement judiciaire de la société ORCHESTRA (vêtements pour enfants), en retenant l’offre de l’ancien dirigeant et fondateur.

En l’espèce, il existait deux offres concurrentes : l’offre portée par un investisseur étranger et actionnaire minoritaire qui avait la préférence des représentants du personnel car jugée plus solvable, et celle d’une autre société composée de différents investisseurs et contrôlée par l’ancien dirigeant de la société ORCHESTRA.

Dans le cadre du redressement judiciaire de l’entreprise CAMAÏEU, l’offre de reprise de l’ancien dirigeant n’a en revanche pas rencontré le même succès puisque le Tribunal de commerce de Lille, par jugement en date du 17 août 2020, lui a préféré l’offre de reprise présentée par l'enseigne de prêt-à-porter à la Financière Immobilière Bordelaise permettant de sauvegarder les trois quarts des emplois.

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