Revue et analyse du Digital Services Act (DSA)

Jean Petreschi
Avocat
- Publié le
27/10/2022

Le Parlement européen a adopté le 5 juillet 2022 les versions définitives du Digital Services Act (DSA) et le du Digital Markets Act (DMA). Ces règlements ont vocation à constituer les piliers du bloc européen de régulation numérique de l’Union européenne:

- Le DSA a pour mission de moderniser une partie de la Directive en vigueur depuis 2000 sur le commerce électronique, et a vocation à s’attaquer aux contenus (haineux, ou terroristes) et aux produits illicites (contrefaits ou dangereux).

- Le DMA quant à lui a pour principal objectif de permettre un meilleur encadrement des activités économiques des très grandes plateformes, qualifiées par la Commission de « contrôleurs d’accès ».

L’application de ces règlements étant prévues courant 2023 pour les très grandes plateformes et début 2024 pour les plateformes plus modestes, c’est l’occasion pour le cabinet de les décortiquer en commençant, dans cet article, par le DSA.

  • Revue du Digital Services Act

Formellement adopté par le Conseil de l’Union Européenne le 4 octobre 2022, le Digital Services Act (dit DSA) entrera en vigueur en France à compter du 1er janvier 2024 (et même avant pour les très grandes plateformes) (ci-après, le « Règlement DSA »).

Le Règlement DSA est l’un des grands chantiers numériques de l’Union Européenne et a pour principale mission de protéger l’espace numérique contre la diffusion de contenus illicites, et de garantir la protection des droits fondamentaux des utilisateurs.

  • Les acteurs concernés par le DSA 

Le Règlement DSA s’applique aux services intermédiaires fournis aux bénéficiaires du service dont le lieu d’établissement ou de résidence se situe dans l’Union européenne, quel que soit le lieu d’établissement des fournisseurs de ces services (Chap. I, Art. 2 du Règlement DSA).

Dès lors, et à titre d’exemple : une marketplace dont le lieu d’établissement est à New-York, fournissant des services à un bénéficiaire domicilié à Paris, se verra imposer les différentes obligations prévues par le Règlement DSA.

Plus concrètement, le Règlement DSA s’appliquera aux services intermédiaires offrant une infrastructure réseau, aux services d’hébergement type cloud, aux plateformes en ligne réunissant vendeurs et consommateurs, ainsi qu’aux très grandes plateformes en ligne et très grands moteurs de recherche, c’est-à-dire ceux qui atteignent plus de 45 millions d’européens par mois (Chap. III, Sec. 5 Art. 33 du Règlement DSA) (notamment les « GAFAM » : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft...).

Le service intermédiaire s’entend, d’après le règlement DSA, comme étant si bien un service de « simple transport », consistant à fournir un accès au réseau de communication et à y transmettre des informations qu’un service de « mise en cache », consistant à stocker automatiquement les informations transmises afin de faciliter les transmissions ultérieures (Chap. I, Art. 3, (g) du Règlement DSA).

Toutefois, les obligations imposées à ces différentes plateformes seront proportionnelles à leur capacité et à leur taille, dans un souci de ne pas en faire supporter de trop lourdes aux petites entreprises. C’est pourquoi les très grandes plateformes, donc celles qui touchent plus de 45 millions d’utilisateurs européens (soit 10% de la population de l’Union), feront l’objet d’obligations renforcées ainsi que d’obligations supplémentaires, que nous allons exposer tout de suite (typiquement les « GAFAM »).

  • Les différentes obligations imposées par le DSA :
  • Surveillance de l’application du DSA et sanctions :

Le Règlement DSA s’est également chargé de déterminer, pour chaque Etat membre, une autorité en charge de la surveillance de sa bonne application, ainsi que, logiquement, des sanctions applicables en cas de non-respect.

Concernant la surveillance de l’application du Règlement DSA, chaque Etat membre aura la charge de désigner un « coordinateur national des services numériques » (Chap. IV, Sec. 1, Art. 49 du Règlement DSA) qui sera certainement, en France, l’ARCOM.

Ces différents coordinateurs, qui auront donc compétence pour recevoir les plaintes à l’encontre des intermédiaires en ligne, se réuniront au sein du « comité européen des services numériques » (Chap. IV, Sec. 3, Art. 61 et 62 du Règlement DSA). Ce comité aura pour fonction de rendre des analyses et de mener des enquêtes dans plusieurs pays tout en épaulant la Commission. (Chap. IV, Sec. 1, Art. 63 du règlement DSA)

Le contrôle de l’application du DSA par les très grandes plateformes sera toutefois effectué directement par la Commission, qui pourra à ce titre elle-même procéder à des investigations et des contrôles (Chap. IV, Sec. 2, Art. 56 2. du règlement DSA). Pour financer ces contrôles, les entreprises concernées devront s’acquitter de la « supervisory fee » auprès de la Commission qui peut aller jusqu’à 0,05% de leur chiffre d’affaires mondial annuel (Chap. III, Sec. 5, Art. 43 du Règlement DSA).

Le non-respect des obligations imposées par le Règlement DSA pourra être sanctionné par la Commission, pour les très grandes plateformes par exemple, elle pourra infliger des sanctions allant jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial annuel (Chap. IV, Sec 1, Art. 52 du règlement DSA). Si le non-respect est répété, les plateformes pourront même se voir interdire leur activité sur le marché européen.

  • Conclusion :

Le Règlement DSA atteste de la volonté de l’Union européenne de doter le secteur du numérique d’un véritable encadrement juridique, afin de limiter les dérives que peuvent entraîner la digitalisation exponentielle de notre société.

La répartition proportionnelle des obligations à la charge des différents acteurs en fonction de leur taille libère les plus petites entreprises de mesures qui auraient pu s’avérer trop contraignantes pour elles. Ainsi, le Règlement DSA va permettre, tout en restreignant les effets néfastes que peuvent avoir la numérisation de nos rapports, de préserver les nombreuses opportunités qu’elle procure.

Chez Saint-Louis Avocats, les avocats aiment le droit, mais ils aiment surtout l’appliquer pour répondre aux besoins de leurs clients. Pour ce faire, la curiosité, la coopération, la créativité et la persévérance nous guident au quotidien.
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